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Le développement durable dans le vin : luxe ou nécessité commerciale ?

Les acteurs du vin font face à une pression croissante pour intégrer le développement durable. Découvrez pourquoi il est devenu indispensable pour rester compétitif sur le marché mondial.
29 Août à 17h00

ENQUÊTE V&S NEWS Le développement durable dans le vin : luxe ou nécessité commerciale ?

Les acheteurs de vin, monopoles, importateurs et détaillants, sont de plus en plus regardants et exigeants sur les politiques de développement durable de leurs fournisseurs. 

Par Anne Burchett, correspondante V&S News au Royaume-Uni
Une table ronde à Wine Paris & Vinexpo Paris a exploré les attentes des revendeurs et, surtout, les moyens de les satisfaire afin de rester dans la course. Étaient réunis : Gad Pettersson, directeur du développement durable de la chaîne logistique pour Systembolaget, Beverly Tabbron, acheteuse et responsable qualité de l’agent importateur britannique Hallgarten & Novum ; Simon Mason, directeur du développement durable à la Wine Society ; Justin Howard-Sneyd, administrateur de la Fondation pour la viticulture régénérative, et Eudes Morgan, directeur général de Nicolas. Tous confirment que le développement durable fait de plus en plus partie des critères de leurs achats de vin, la raison en étant, comme le dit Justin Howard-Sneyd, qu’il est urgent de développer de nouveaux protocoles si le monde du vin veut exister encore dans 500 ans.

Tous les intervenants ont insisté sur l’importance du partage de l’information, que ce soit entre leurs fournisseurs, entre eux et leurs fournisseurs ou avec d’autres metteurs en marché. Faciliter ce partage est le rôle d’organisations telles que la Sustainable Wine Roundtable (SWR) qui regroupe toutes les parties prenantes de la profession. La SWR a aussi pour rôle de standardiser les données du développement durable d’un metteur en marché à l’autre et d’un pays à l’autre. Parmi son collège de distributeurs, on retrouve bien sûr des Britanniques (Berry Bros. & Rudd, Bibendum, Direct Wines, Lidl GB, Majestic Wines, Marks & Spencers, Naked Wines, The Wine Society, Waitrose), mais aussi Ahold Delhaize, Alko, Hans Just Group, Systembolaget et Whole Foods Market. « Nos arguments commerciaux ne peuvent qu’accélérer le changement, insiste Gad Pettersson. Les détaillants travaillent ensemble et ils ont le pouvoir ! »

Systembolaget œuvre de concert avec les autres monopoles scandinaves

Systembolaget (450 magasins) travaille avec environ 1 000 prestataires qui lui fournissent 20 000 références pour un volume annuel de 210 Ml de vin, dont 25% sont déjà bio. Gad Pettersson rappelle les objectifs ambitieux du monopole suédois avec une volonté de réduction de 50% ses émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030, puis la neutralité carbone d’ici 2045. Ces objectifs font l’objet d’un accord commun avec les autres monopoles scandinaves en Norvège, en Islande, en Finlande et dans les îles Féroé. L’objectif de neutralité carbone en 2045, comment y arriver ? L'emballage représentant environ 25% de l’empreinte carbone d’une bouteille de vin, il a donc été la priorité absolue de Systembolaget. Le transport est également un levier à travailler. Surtout, le prochain axe de développement concerne le produit et son mode de production. Pour Gad Pettersson : « Il y aura en Suède des opportunités commerciales pour ceux qui ont à la fois les compétences et la volonté de modifier leur façon de produire du vin. »

La Wine Society promeut les engagements de ses fournisseurs auprès de ses clients

La mission historique de la Wine Society (250 000 membres) est de « défendre les joies des bons vins pour aujourd'hui et pour demain ». Pour Simon Mason, l’engagement écologique constitue la suite logique de cette devise. Si la qualité reste une condition non négociable pour les acheteurs de la Wine Society, des indicateurs de durabilité, répartis en trois catégories, ont été ajoutés à l’évaluation des fournisseurs avec de véritables implications opérationnelles pour les acheteurs, ce qui est une nouveauté : 1) Le packaging. Priorité est donnée à l'allègement des bouteilles ; 2) La chaîne d'approvisionnement devra être la plus éthique possible d'ici 2030, avec l’obligation pour les producteurs d’accepter un code de conduite ; 3) Partage et analyse des données : des données seront récoltées auprès des producteurs et communiquées aux consommateurs. En effet, la Wine Society souhaite informer les consommateurs pour les encourager à choisir des vins durables. La démarche écologique de certains fournisseurs est ainsi explicitée sur Instagram. Pour cela, la Wine Society entend travailler main dans la main avec ses fournisseurs. Un nouveau portail qui leur est réservé a été mis en place pour partager les meilleures pratiques, et une série de webinaires qui donnera accès aux meilleurs experts en matière de développement durable est en cours de production. Enfin, un fonds propre pour le climat et la nature va remplacer la compensation carbone et permettra de financer les initiatives de producteurs sélectionnés.

Hallgarten & Novum attribue des médailles à ses fournisseurs

Chez l’agent importateur britannique, un questionnaire détaillé allant de la gestion de l'eau à la responsabilité sociale a été envoyé à tous les fournisseurs qui ont ensuite été classés or, argent, bronze… ou rien. Ces résultats ont été partagés en ligne et dans le catalogue de la dégustation annuelle organisée par Hallgarten & Novum pour ses clients en février 2024, l’idée étant d’encourager l’amélioration et le partage d’informations et d’aider les plus petits producteurs à s’améliorer. Comme pour la Wine Society, le poids de la bouteille est un point d'attention important.

Nicolas cofinance l’évolution environnementale

L’approche de Nicolas, premier réseau français de cavistes, est holistique et patiente. Elle repose sur le triptyque qualité-progrès-confiance. Une démarche de développement durable est coûteuse, particulièrement pour les petits producteurs, et Nicolas soutient leur engagement en les mettant en avant sur la page « Les Engagés » de son site Internet et grâce à un fonds de recherche alimenté par la vente de sacs en papier recyclables (20 centimes) qui ont remplacé les sacs plastiques gratuits. Les success stories sont ensuite partagées avec les consommateurs. Eudes Morgan insiste également sur l’importance de garder la confiance de ses fournisseurs dont il loue le professionnalisme et le dévouement dans un contexte souvent difficile et, comme ses collègues britanniques, il souligne l'intérêt du partage des bonnes pratiques. A.B.
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